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Le Prince Kum’a Ndumbe III reçoit une haute délégation du gouvernement allemand

Evènement majeur en ce vendredi 15 décembre 2023 chez les Bele Bele à Bonabéri-Douala : une délégation du Ministère des Affaires Etrangères allemand (Auswärtiges Amt, Berlin) sollicite une entrevue avec le Prince Kum’a Ndumbe III et une visite du siège de la Fondation AfricAvenir International. La délégation est conduite par M. Stefan Rössel, Directeur de la politique culturelle extérieure du Ministère des Affaires Etrangères allemand (Auswärtiges Amt, Berlin) et est composée de Son Excellence Madame l’Ambassadeur Corinna Fricke, M. Malte Locknitz, chargé de mission Afrique Centrale, Cap Vert, CEEAC, CEMAC au Ministère des Affaires Etrangères (Auswärtiges Amt, Berlin), M. Josch Beying, conseiller politique à l’Ambassade à Yaoundé et de M. André Kwam, Consul honoraire d’Allemagne à Douala.

 


Accueil des invités de marque par le Prince Kum’a Ndumbe III (de la droite vers la gauche) : le Prince Kum’a
Ndumbe III, M. Stefan Rössel, Monsieur Malte Locknitz, l’Ambassadeur Corinna Fricke et Monsieur Josch Beying

L’accueil est chaleureux et détendu, toute la conversation se déroule dans un premier temps entièrement en langue allemande, surtout à la première station de la visite, au Mausolée de Lock Priso Bell/Kum’a Mbape Bell au grand baobab. Le directeur Rössel demande si c’est là que repose Lock Priso. « Oui », répond le Prince, « voici sa tombe, quand il est décédé en 1916 et à côté, voici son fils, le frère de mon père Ndumbe Kum III Jean, papa Bwanga Kum Théodore qui a régné au temps de la colonisation française et quelque temps après l’indépendance du Cameroun ». « Est-il mort de mort violente en 1916 ? », demande encore le Directeur Rössel, « Non, il est mort de mort naturelle, en 1916, quand les Allemands ont perdu la guerre ici et ont dû quitter le Cameroun ». La plaque commémorative témoigne en plusieurs langues l’épopée de la toute première résistance contre le colonialisme sur le sol camerounais, conduite par Lock Priso Bell en décembre 1884. Puis, l’hommage contemporain des rois, chefs et de l’administration camerounaise.

Visite du Mausolée de Lock Priso Bell et lecture de la plaque mémorielle (de la gauche vers la droite) : le Prince Kum’a Ndumbe III, M. Ndumbe Kum Khéops, Monsieur André Kwam, Monsieur Malte Locknitz, Monsieur Stefan Rössel et SE Madame l’Ambassadeur Corinna Fricke

Le cortège conduit par la police nationale se dirige alors vers la Fondation AfricAvenir International, sur l’ancienne route de Bonabéri. Réception rituelle par les « Belimbi » et les danseuses traditionnelles, une plaque dehors attire l’attention sur le Tangué du Prince Kum’a Ndumbe III.

 


Lecture de la plaque mémorielle du Tangué du Prince Kum’a Ndumbe III (de la gauche vers la droite) : M. Ndumbe Kum Khéops, SE Madame l’Ambassadeur Corinna Fricke, le Prince Kum’a Ndumbe III, Monsieur Stefan Rössel

La délégation franchit les portes d’AfricAvenir International sur invitation du Prince. Elle tombe net sur les affiches de la campagne allemande demandant avec la participation de la section AfricAvenir Berlin la restitution des œuvres de pouvoir, de culte et d’art africains dérobés par l’Allemagne pendant la période coloniale. M. le directeur Rössel confirme que la jeunesse allemande demande des explications à leur gouvernement sur les injustices du passé colonial. Le Prince réitère qu’en 30 ans de colonisation seulement, le Reich allemand a emporté plus de 40.000 objets de pouvoir, de culte et d’art camerounais en Allemagne et n’a presque rien laissé au Cameroun. Les Français et les Anglais ne trouveront que peu de choses quand ils prendront le pouvoir au Cameroun.

On est au « Génie africain » qui affiche en librairie les œuvres des auteurs et écrivains africains et écrivains d’autres continents en français, en anglais, en allemand, en 20 langues camerounaises et en 3 langues de l’Afrique australe. Et à côté, les œuvres des artistes et artisans camerounais qui attirent une attention particulière. Un tableau spécial « Voix de femmes » expose les ouvrages littéraires de 9 femmes qui ont fait la fierté de la rentrée littéraire 2023 des Editions AfricAvenir. Les visiteurs découvrent en début de la grande salle un carré consacré à la « Bibliothèque Cheikh Anta Diop – Section jeunesse », avec des livres pour enfants, jeunes et élèves écrits par des auteurs africains, avec de belles illustrations, des contes africains, mais aussi des livres sur les exploits des peuples d’Afrique. L’exposition sur les inventions scientifiques des peuples d’Afrique depuis 77.000 ans (Grotte de Blombos), ou 22.000 ans (Os d’Ishango), conduit jusqu’à l’Egypte pharaonique des peuples noirs, à l’Université Sankoré de Timbuktu construite en 1100 avec ses manuscrits anciens, aux travaux de Cheikh Anta Diop, aux découvertes scientifiques des Noirs Américains comme le GPS, la transfusion sanguine, etc.

Mais l’attention des visiteurs est attirée sur de vielles cassettes contenant les témoignages de 176 très vieux Camerounais ayant vécu l’époque allemande qui racontent leur part de l’histoire jusque-là inconnue. Au passage, les photos de plusieurs ambassadeurs allemands, français, israélien, sénégalais et de ministres camerounais qui ont rendu visite à la Fondation AfricAvenir International, ainsi que les photos des Chefs d’Etat du Gabon et de la Guinée Equatoriale qui ont eu à recevoir le Prince Kum’a Ndumbe III.

La délégation s’avancera alors vers un grand tableau exposant une partie des 80 livres publiés par le Prince, professeur et écrivain tout au long de sa vie. Des ouvrages en allemand d’abord, puis en français, en anglais et en duala. Le deuxième grand tableau, lui, exposait les 18 premiers volumes des témoignages des vieux Camerounais sur la période allemande, puis 12 volumes traduits en anglais, et 3 traduits en allemand.

Visite dans la salle d’exposition, du Tangué du Prince Kum’a Ndumbe III, identique au Tangué de Lock Priso Bell, en attendant impatiemment le retour de l‘original

Mais tout le monde regarde dépuis le « Tangué » qui occupe royalement l’espace. La copie certifiée conforme à l’original du Tangué de Lock Priso Bell, dérobé en 1884 et qui se trouve toujours au Musée des Cinq continents à Munich. Mais celui-ci, c’est le Tangué du Prince Kum’a Ndumbe III qui expliquera à ses hôtes : « Je réclame le Tangué de mon grand-père depuis 1998, soit depuis 25 ans maintenant. J’étais fatigué des embûches que le gouvernement allemand mettait sur le chemin. Le sculpteur Viking a alors fabriqué mon propre Tangué conforme à l’original de celui de mon grand-père Kum’a Mbape Bell et plusieurs rois, chefs et l’administration camerounaise sont venus le sacrer dans un rituel ancestral. »

La délégation allemande se rendra ensuite à la maison des Editions AfricAvenir qui a déjà publié plus de 400 auteurs de quatre continents, plus de quarante livres sur la période allemande au Cameroun, des femmes du continent, l’auteur allemande-camerounaise Karin Oyono avec son roman en 6 volumes
« Hickory Town », un roman qui nous guide pas à pas pour comprendre comment l’Allemagne de Bismarck a réussit à s’emparer du Cameroun. « Et comment deux Mouelle Kombi comme auteurs ici ? », s’étonne un membre de la délégation. « L’actuel Ministre, encore étudiant, a gagné le premier prix d’un concours littéraire en 1986 et a continué à publier aux Editions AfricAvenir, son fils à côté de lui sur la photo a commencé à publier chez nous à l’âge de 16 ans, et il en est à son troisième recueil de poésie ».
Les photos montrent la participation des Editions AfricAvenir aux salons du livre de Francfort, Paris, Genève, Yaoundé, Casablanca, Libreville et Douala.

Puis, tout le monde converge vers l’Ecole Doctorale et de Masters « Heritage & Innovations ». Des photos de cette école que le Prince a créée à l’Université Libre de Berlin avec la première promotion 1994-2000. La deuxième promotion ne prendra le relais qu’en 2016 au siège à Bonabéri et la 3è promotion va commencer à s’inscrire lors du symposium des 21 et 22 décembre 2023. Le défi à relever par chaque candidat : « Quelle est la contribution scientifique de l’Afrique dans votre discipline ? Et
comment allez- vous allier ces acquis scientifiques africains avec les résultats scientifiques de l’époque moderne pour innover et stabiliser l’avenir des pays africains dans la marche du monde ? » On entre ensuite dans la salle des Masters qui sert pour l’instant de dépôt des anciennes expositions sur l’esclavage, les musiciens camerounais et la protection de l’environnement.

Au studio audiovisuel ProDiff, la délégation apprend que des émissions avec la Bayerischer Rundfunk, la Télévision de Bavière, la Deutsche Welle, mais aussi avec France Culture et France 3 ont déjà été réalisées en direct depuis ce petit studio. « Et le podcast ? » « C’est pour bientôt ».

Le grand étonnement sera exprimé à la Bibliothèque Cheikh Anta Diop, section recherche scientifique. Deux rayons de vieux livres du 19è siècle sur les colonies allemandes en Afrique, donc sur la naissance du Cameroun, un autre grand rayon sur la littérature, la politique, l’économie, la sociologie allemandes, et des cantines d’archives de 1815 à la création et à l’évolution des deux Allemagnes jusqu’à la chute du mur de Berlin en 1989. On se dit que même si quelqu’un avait de l’argent aujourd’hui, il ne pourra pas trouver ces documents sur le marché pour les acheter.

Visite de la Bibliothèque Cheikh Anta Diop, avec son fonds documentaire de plus de 12 000 livres, 37 cantines
d’archives, des cartes inédites, sa médiathèque et des documents d’importance capitale pour l’histoire du
Cameroun, de l’Afrique et de l’humanité dans sa globalité
Présentation des documents d‘archives sur la colonisation allemande, pendant la visite de la Bibliothèque Cheikh
Anta Diop

 

La visite se termine avec la traditionnelle photo derrière le Tangué du Prince dans la grande salle.

Photo de famille derrière le Tangué du Prince Kum’a Ndumbe III, de gauche à droite : M. André KWAM – Consul Honoraire de l’Allemagne à Douala, M. Ndumbe Kum Khéops, Prince Kum’a Ndumbe III, SE Madame Corinna Fricke – Ambassadrice RFA, M. Stefan Rössel – Directeur de la politique culturelle extérieure – Ministère des
Affaires Etrangères RFA, Mme Mouto Moukoko Thérèse Elvire – CDDRCR Port Autonome de Douala – PAD, Mme Ingeborg Mautner – FAI Vienne, M. Malte Locknitz – chargé des affaires politiques – Ministère des Affaires Etrangères RFA, et M. Josch Beying – Conseiller politique – Ambassade RFA à Yaoundé

La délégation allemande et le Prince traversent juste la route pour un déjeuner à l’hôtel Royal Palace. Le déjeuner est sur invitation de la délégation allemande. Accompagnent le Prince à cette invitation : Le Gouverneur de la Région du Littoral Samuel Dieudonné Ivaha Dibua, la Représentante de la section Vienne de la Fondation AfricAvenir International, Madame Ingeborg Mautner, la représentante du Port Autonome de Douala, partenaire d’AfricAvenir, Madame Moukoko Elvire et un membre du conseil
d’administration de la Fondation, Monsieur Jean Pierre Imele

Photo avec le Gouverneur de la Région du Littoral Samuel Dieudonné Ivaha Dibua, de gauche à droite : M. Stefan Rössel – Directeur de la politique culturelle extérieure – Ministère des Affaires Etrangères RFA, SE Madame Corinna Fricke – Ambassadeur RFA, Gouverneur du Littoral, Prince Kum’a Ndumbe III, Mme Mouto Moukoko
Thérèse Elvire – CDDRCR Port Autonome de Douala – PAD, M. André KWAM – Consul Honoraire de l’Allemagne à Douala, M. Jean Pierre Imele, Conseil d’administration de la Fondation AfricAvenir International

 

Tout se passe à huis-clos. Mais une leçon est retenue : On ne veut pas d’une deuxième histoire de Afo Akom qui casse tout quand on le met là où il ne doit pas être. Ce n’est pas une histoire de chefferie supérieure d’aujourd’hui. Il faut remettre le Tangué à l’héritier. A la sortie du restaurant, l’équipe d’AfricAvenir apporte de petits sacs contenant la 2è édition du nouveau livre du Prince qui venait tout juste d’arriver de chez l’imprimeur « Restituez à l’Afrique ses objets de pouvoir, de culte et d’art – Reconstituons notre mémoire collective africaine ! ». L’ambassadeur hésite : « Nous n’avons pas le droit de prendre des cadeaux ». Puis, « ok, c’est un instrument de travail dans cet échange. Alors, on fait une exception. Merci ! »

La photo de famille en présence de Monsieur le Gouverneur de la Région du littoral, Samuel Dieudonné Ivaha
Diboua et la photo d’au revoir entre le Prince Kum’a Ndumbe III et Monsieur Stefan Rössel

 

Avant de se séparer, le Prince demande au chef de délégation, le Directeur Rössel « Qu’est-ce que je vais dire à la population à propos du Tangué de Lock Priso Bell ? » « Le Tangué de Lock Priso Bell va revenir bientôt. Il ne reste plus que des problèmes administratifs à régler », dira le directeur Stefan Rössel en se séparant tout souriant du Prince.
Les journalistes se ruent alors sur SE, Madame l’Ambassadeur Corinna Fricke, et après sur le Prince Kum’a Ndumbe III qui devra répondre en français, en anglais et puis en duala pour « Penya Mundi ».

Pour le compte de la Fondation AfricAvenir International,
Mag. Ingeborg Mautner