Il y a 125 ans que le colonialisme allemand a dérobé, par puissance militaire interposée, le Tangué des Bele Bele comme butin de guerre et l’a enfermé au Musée Ethnographique de Munich. Déclaration solennelle du Prince Kum’a Ndumbe III du 22. novembre 2009 à l’occasion des 125 ans de la résistance camerounaise contre le colonialisme.

« Je vous prie de descendre ce drapeau, personne ne nous a achetés, vous vouliez nous corrompre par beaucoup d’argent, nous avons refusé, je vous prie de nous laisser notre liberté et de ne pas apporter du désordre chez nous ». C’est en ces termes que le roi des Bele Bele (Bonabéri, appelé alors Hickory Town), Kum’a Mbape, alias Lock Priso, s’adressait par écrit au consul Allemand le 28 août 1884. Kum’a Mbape, le seul Roi de Cameroons à refuser de signer le traité du 12 juillet 1884, avait des partisans aussi bien dans les rangs de son neveu King Bell, Ndumb’a Lobe, régnant du côté de Bonanjo, que dans ceux de King Akwa, Dika Mpondo et de ceux de King Dido, Jim Epée Ekwalla.

Voici ce qu’écrivait le négociateur allemand Eduard Schmidt, à son patron, le grand commerçant Woermann qui avait déjà des intérêts significatifs à Cameroons : « Après notre entretien d’hier soir avec King Aqua, King Bell et Green Joss sur ces points (du Traité), les nègres d’Aqua et une foule de jeunes se dirigèrent vers la plage en criant et en vociférant les pires des menaces à l’endroit de King Bell et King Aqua, les accusant de vendre le territoire aux Allemands et de vouloir faire de la population des esclaves. Même ma plume hésite à écrire le genre d’insultes que nous étions obligés d’entendre… Malheureusement, ces processions d’insultes ne font que se répéter »

Dans une autre note, le même Schmidt écrira : « Je suis resté jusqu’à 3 heures de matin chez King Bell, mais je regrette ne pas avoir atteint mon but, car King Bell avait une telle peur du refus et des menaces des siens et des Aqua qu’il déclara ne rien pouvoir faire sans le consentement de ses sujets ».

L’arrivée du bateau de guerre allemand « Möwe » le 11 juillet 1884 sur le Cameroons River (fleuve Wouri) rassura ces rois, King Bell signa même à l’intérieur du bateau de guerre le 12 juillet. Le Consul allemand Dr. Max Buchner écrira un an plus tard, en juillet 1885 : « Notre acquisition (du Cameroun) a engendré tellement de désagréments pour tous les rois et chefs camerounais qu’ils aimeraient, s’ils le pouvaient, annuler ces traités »

Des combats auront lieu à Bonanjo, Akwa, Deido et Bonabéri. En compagnie des troupes restées loyales à King Bell et à King Akwa, la marine du Reich de Bismarck va faire l’assaut sur Hickory Town (Bonabéri) avec plus de 300 soldats allemands pour tout bombarder. Ils ne trouveront personne sur place, Kum’a Mbape ayant donné l’ordre de se replier. La résistance armée contre le colonialisme était née au Cameroun.  Le Consul allemand Max Buchner rapporte avec précisions :

« 22 décembre (1884) – Le bateau de guerre « Olga » tire quelques grenades de ses lourds canons en direction de Hickorytown (Bonabéri), parce qu’on a cru y avoir décelé des ennemis. Puis de nouvelles manœuvres pour aller à terre. Le palais de Lock Priso (Kum’a Mbape) est mis à sac. Une belle image bien émouvante. Nous y mettons le feu. Mais j’ai demandé aux soldats de me laisser d’abord inspecter les différentes maisons à la recherche de curiosités ethnographiques. Mon butin le plus précieux, c’est une grande sculpture, la proue princière de la pirogue (Tangué) de Lock Priso qui devra aller à Munich »

Il y a donc 125 ans que le colonialisme allemand a dérobé, par puissance militaire interposée, le Tangué des Bele Bele comme butin de guerre et l’a enfermé au Musée Ethnographique, le « Völkerkundemuseum » de Munich, dont Max Buchner deviendra le directeur plus tard.

Moi, le Prince Bele Bele, Kum, fils de Ndumbe III, lui-même fils de Kum’a Mbape (Lock Priso), en ce jour du 22 décembre 2009, 125 ans après le dérèglement durable de nos sociétés par les politiques coloniales et néo-coloniales,

    Je rends hommage à ces Camerounais qui, avec vision et bravoure, ont dit non au colonialisme dès la première heure et

    Je déclare solennellement : « J’exige du gouvernement allemand que le Tangué de mon grand père, Kum’a Mbape, pris comme butin de guerre, me soit restitué, à ma famille et à notre peuple avec dédommagements, comme le prévoient les conventions internationales en vigueur. La paix durable et la réconciliation entre les peuples passent par la réparation des injustices fondamentales. »

Je rends hommage aux Allemands qui se sont organisés en Allemagne pour que le Tangué des Bele Bele rentre au Cameroun.

J’ai dit !

Fait à Bonabéri, ancien Hickory Town, le 22 décembre 2009.

Prince Kum’a Ndumbe III
Le Prince Bele Bele
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