Ils se sont confiés à l’équipe de recherche pluridisciplinaire à l’Université de Yaoundé I dans laquelle se trouvait Kum’a Ndumbe III, entre 1981 et 1986.
Les prémisses de leurs témoignages prouvent qu’ils ne représentaient rien aux yeux des colons. Ils n’étaient que quelques nègres qu’on pouvait exécuter pêle-mêle, et à tout moment. Ceux qui s’étaient emparés de leur territoire et qui se passaient pour maîtres, s’étaient donné ce privilège entre 1884 et 1916 (pour l’Allemagne), de 1920 à 1930 (pour la France et la Grande Bretagne), et dans les années qui suivaient.
En détail et avec l’émotion de l’époque, les colonisés racontent, en leurs langues maternelles respectives pour la majorité, leurs misères du temps de la colonisation. Rien à voir avec l’histoire qu’on enseigne aujourd’hui dans les écoles camerounaises. En réalité, l’histoire de la pénétration occidentale au Cameroun a totalement été tronquée par ceux qui l’ont écrite. On en saura davantage d’ici 2018, à partir des
résultats des témoignages sonores de 176 vieux sages Camerounais, décédés il ya plusieurs décennies, que l’équipe de Kum’a Ndumbe III a pu interroger à travers les 10 régions du Cameroun. Ils avaient entre 90 et 105 ans, pour la plupart. D’autres, un peu plus jeunes explique
Kum’a Ndumbe étaient issus de parents qui eux-mêmes, avaient vécu cette expérience. Ils ont parlé de leur vécu, non sans livrer les piste de la mémoire collective d’un peuple traumatisé par la colonisation. C’est environ 200 heures de témoignages vivants qui sont en train
d’être digitalisées à la Phonogrammarchiv de Vienne, en Autriche. Cette institution, spécialisée dans la conservation de la mémoire collective des peuples de la terre sur les cinq continents, a pris sur elle de trouver des moyens de financement auprès de la Fondation de la famille Philip Politzer. Cependant, cette mémoire collective camerounaise, selon les accords qu’ils ont passés avec le détenteur de ce projet, ne restera pas enfermée dans les archives autrichiennes. « Dans cette coopération, rassure Kum’a Ndumbe III, cet héritage camerounais rentrera au Cameroun, mais sera mis à la disposition de tous en plusieurs langues, pour enrichir la mémoire collective de l’humanité », envisage le président de la fondation AfricAvenir.
Des manuscrits conservés en Europe
Toujours dans le cadre de la recherche de la vérité ancestrale, le Prince Kum’a Ndumbe III, dans ses multiples voyages dans les pays européens, a mis mains sur les manuscrits de ses aïeuls. Ainsi, on constate qu’ils avaient leur propre manière de dire leur amertume sur les feuilles blanches. Ils ont par exemple écrits sur la science, la politique, la culture, les mathématiques, l’histoire, etc., du Cameroun. Parfois, pour avertir les uns et les autres de l’arrivée de leurs bourreaux, ils avaient un rythme de tam-tam qu’ils avaient adopté de sorte que, « quand les blancs arrivaient, ils trouvaient que tout le village était vide. Ils ne comprenaient pas comment », explique l’héritier de ces valeurs ancestrales Kum’a Ndumbe III. Dans l’optique d’effacer tous ces souvenirs, les colons les ont amenés dans leur pays d’origine. « Qu’est-ce que nos archives font à Strasbourg ? » s’interroge celui qui lutte pour la renaissance du continent africain.
Toutefois, rien n’est perdu. Le Prince des Bele Bele a obtenu les cahiers numérisés de ces anciens Camerounais. Et tout y figure. Reste maintenant de les transcrire en meme temps que les enregistrements sonores, et d’interpréter en trois langues européennes (Français, Anglais, Allemand), et en plusieurs langues Camerounaises (Ewondo, Duala, etc.) et africaines. Tout ceci donne de la matière aux linguistes qui sont déjà à pied d’œuvre. « On a souvent des témoignages mais en langue française, allemande ou anglaise. Pour une fois où on a des témoignages en langues camerounaises par les Camerounais. Ça va d’abord être imprimé et disponible en langues camerounaises avant d’être interprété en Français, en Anglais, ou en Allemand. Ce qui est sûr, ces livres vont sortir en langues locales », projette le professeur Clédor Nseme, du Département de Linguistique et Langues Africaines à l’Université de Yaoundé I. Afin d’approfondir ces travaux, des bourses de Doctorat/PhD sont mises à la disposition de jeunes chercheurs titulaires d’un très bon Master par la Fondation AfricAvenir à Douala.
Didier Ndengue